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1 intervenant : 2 questions avec Mr Jean Pierre Teycheney

Nous vous l’annoncions à l’occasion de notre dernière Newsletter 2023/2024, Mr Jean Pierre Teycheney à la parole ce mois-ci dans notre rubrique « 1 intervenant : 2 questions ».


Une rubrique qui met en lumière le point de vue des intervenant.e.s du territoire.


Ancien directeur de l’UDAF 47 (Union Départemental des Associations Familiales) pendant 20 ans, il anime depuis 2008 des formations sur la protection des majeurs vulnérables et les nouvelles formes d'accompagnement social global. Aujourd’hui, il accompagne des groupes d’analyse des pratiques sur le territoire du 47 et fait partie des membres du Comité Local du Travail Social 47.


« […] Je suis optimiste quand les décideurs acceptent l’idée de développer le pouvoir d’agir des intervenants sociaux. Si on accepte cette marge de manœuvre des travailleurs sociaux et de leurs collectifs alors oui, on peut se mettre à y croire […] ».


Extrait de sa rencontre avec le Pôle Ressource en Développement social Local dans les locaux de l’ADES à Marmande le 18/04/2024.


Quels sont selon-vous les défis qui traversent actuellement le secteur du travail social ?


Je dirai que le premier défi auquel le travail social est confronté, c'est l'effectivité du droit !


Par un décret du 6 Mai 2017, la loi a intégré la définition officielle du travail social au Code de l'Action Sociale et des Familles (le guide de tous les travailleurs sociaux, de leurs cadres, de leurs financeurs, et de leurs prescripteurs).


Il est intéressant de lire avec attention l’article D 142-1-1 qui dit : « Le travail social vise à permettre l'accès des personnes à l'ensemble des droits fondamentaux, à faciliter leur inclusion sociale et à exercer une pleine citoyenneté […] ». Or : des milliers de personnes sont dans ce que nous appelons le « non-recours », des demandes d'allocation logement sont bloquées pendant des mois dans les CAF, des délais insupportables sont à constater pour accéder à un CMPP, ou à un CAMPS et parfois, ce sont aussi les accès à des établissements d'hébergement pour adultes en situation de handicap qui sont impossibles.


Dans les domaines du logement et de la protection de l’enfance cela se manifeste aussi par des accès impossibles à un logement social (et des milliers de personnes sans domiciles fixes), des AEMO ordonnées par les Juges des enfants non mises en œuvre. Et quelle « pleine citoyenneté » pour les personnes hébergées en EHPAD dont on ne se soucie pas de savoir comment elles vont pouvoir exercer leur droit de vote ?


L’article D142-1-1 poursuit : « Dans un but d'émancipation, d'accès à l'autonomie, de protection et de participation des personnes, le travail social contribue à promouvoir par des approches collectives le changement social, le développement social et la cohésion de la société. Il participe au développement des capacités des personnes à agir pour elles-mêmes et dans leur environnement. »


Ce qui est fort ennuyeux pour rendre effectif le droit à aller vers « l'émancipation, et l'accès à l'autonomie », c'est qu'il faudrait déjà dans les services sociaux et médico-sociaux se mettre d'accord sur ce qu'est l'émancipation et l'autonomie. Termes que l'on ne prend parfois plus le temps de définir.


En conclusion, je dirai que les défis du travail social, tel que le recrutement, la formation, la stabilité des équipes, seraient en grande partie résolus si le sens du travail était garanti par l'application pure et respectueuse de la définition du travail social, inscrite dans le CASF et susceptible d'être « force de loi ». Nous tous, travailleurs sociaux, chefs de services, employeurs, financeurs devrions exiger sans relâche la stricte application des textes.

 

Le dernier numéro du Sociographe titré : “Les coulisses de l’analyse des pratiques professionnelles… ou des supervisions” – Le consulter

En quoi pour vous l’analyse des pratiques professionnelles reste un outil salvateur au secteur dans le contexte actuel ?


Tous les intervenants des services sociaux et médico-sociaux sont loin de bénéficier de séances d'analyse des pratiques professionnelles.


Il y a encore beaucoup à faire auprès des employeurs pour créer ce dispositif partout, et pour tous. Certains services et établissements ne l'ont pas du tout mis en place.


D'autres l'ont fait dans des conditions telles que cela ne peut qu'échouer. Dans la plupart des services où le dispositif existe, il exclut les stagiaires, les personnes en intérim, les remplaçants, et toute une catégorie de salariés dont on considère qu'ils n'ont rien à y faire alors même qu'ils participent activement, à leur niveau, à l'accompagnement des personnes : les Cadres, les Cadres intermédiaires, les psychologues, secrétaires, agents d'accueil, veilleurs de nuit, etc.


Or, l'analyse des pratiques professionnelles est un outil de formation initiale et continue qui a (au moins) deux impacts fondamentaux :


• La bientraitance des professionnels, au service de la bientraitance des personnes accompagnées

• La réduction des risques psycho-sociaux, et du burn-out


Si l'analyse des pratiques peut servir ne serait-ce qu'à cela, ce serait déjà pas mal ! En conclusion : Soyons modestes avec l'analyse des pratiques, on n'y décide rien, on n'y fait pas des miracles (face aux défis du travail social et à leur dimension politique), on n'y change pas non plus les personnes accompagnées et leurs fardeaux.


Des séances souvent limitées à une heure-trente, cinq fois par an, pour la plupart des Institutions ; avec des groupes qui changent tout le temps (effet du turn-over...) ; avec des participants non formés à l'analyse, voilà qui nous incite à la modestie.



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